Les organisateurs de manifestations culturelles ou sportives ayant dû annuler des représentations ou des manifestations pourront proposer systématiquement un avoir à la place du remboursement des billets.
Au lendemain de la présentation de la stratégie de déconfinement par le Premier ministre (voir notre article ci-dessous du 7 mai 2020), mais aussi de l'annonce par le chef de l'Etat des mesures en faveur du monde de la culture (voir notre article du 6 mai 2020), le journal officiel a publié une ordonnance "relative aux conditions financières de résolution de certains contrats en cas de force majeure dans les secteurs de la culture et du sport". Cet intitulé un peu abstrait vise un dispositif permettant aux organisateurs d'événements culturels ou sportifs ayant dû annuler des représentations ou des manifestations, de préserver leur trésorerie, alors qu'ils sont privés de toute recette de billetterie depuis deux mois et sans doute pour plusieurs semaines encore, voire plusieurs mois.
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Elle repose sur un mécanisme simple et bien connu : celui du report des droits acquis. La place annulée pour un spectacle ou un événement sportif pourra donner lieu à un avoir ou être reportée sur une date ultérieure ou sur une manifestation équivalente. Avec toutefois une différence de taille : ce mécanisme suppose normalement l'accord du spectateur lésé qui se voit proposer cette solution et peut préférer au contraire se faire rembourser immédiatement. L'ordonnance va nettement plus loin en systématisant cette pratique. L'ordonnance pourra en effet modifier "dans le respect des droits réciproques, les obligations des personnes morales de droit privé exerçant une activité économique à l'égard de leurs clients et fournisseurs ainsi que des coopératives à l'égard de leurs associés-coopérateurs, notamment en termes de délais de paiement et pénalités et de nature des contreparties [...]". L'ordonnance ne vise donc pas les organismes publics (comme l'Opéra de Paris).
Il s'agit très clairement d'une dérogation au droit au remboursement posé par les articles 1218 et 1229 du Code civil. Ainsi, l'entrepreneur de spectacle vivant, l'organisateur ou le propriétaire des droits d'exploitation d'une manifestation sportive pourront – soit directement, soit par l'intermédiaire de distributeurs autorisés – proposer systématiquement un avoir à la place du remboursement des billets d'accès aux prestations correspondantes et à leurs éventuels services associés.
...mais qui devient quasi obligatoire pour le spectateur
Certes, le droit au remboursement n'est pas totalement supprimé. Mais le client qui souhaite en bénéficier devra patienter de longs mois. Tout d'abord, l'organisateur doit formuler sa proposition au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la notification de la résolution (l'annulation). Ensuite, la proposition d'un avoir, valable sur une période adaptée à la nature de la prestation, peut aller jusqu'à une durée de 6 mois (pour les contrats d'accès à un établissements d'activités physique et sportives et leurs éventuels services associés), de 12 mois (pour les contrats d'accès à une ou plusieurs prestations de spectacles vivants) ou de 18 mois (pour les contrats de vente de titres donnant l'accès à une ou plusieurs manifestations sportives et leurs services associés). Or, lorsque cet avoir est proposé, le client ne peut solliciter le remboursement de ses paiements pendant toute la durée de validité de l'avoir. Il sera en revanche remboursé à l'issue de ce délai s'il n'a pas utilisé son avoir.
L'ordonnance du 7 mai couvre tous les types de manifestations culturelles et sportives : spectacle vivant (y compris les festivals), manifestations sportives et éventuels services associés, et contrats d'abonnement. Seule exception : les contrats d'accès à une prestation de spectacle vivant ou à une manifestation sportive intégrée à un forfait touristique ou à une prestation de voyage.
L'ordonnance apporte également un certain nombre de garanties aux clients : obligation pour les organisateurs de proposer une nouvelle prestation "identique ou équivalente" afin que leur client puisse utiliser l'avoir (pas de match de CFA pour remplacer un PSG-OM...), pas de prix supérieur à la prestation initiale, aucune majoration tarifaire autre que celles résultant de l'achat de services associés prévu par la contrat résolu... Une somme complémentaire peut toutefois être demandée au client en cas de prestation de qualité et de prix supérieur (ce qui pourrait susciter quelques contestations).
Références : ordonnance n°2020-538 du 7 mai 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats en cas de force majeure dans les secteurs de la culture et du sport (Journal officiel du 8 mai 2020).
Source : Banque des territoires - Groupe Caisse des dépôts
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